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publication 11 janvier 2018

Transformer l’économie rwandaise grâce à l’urbanisation

Dernier numéro: 
  • Janvier 2018
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LES POINTS MARQUANTS

  • Le Rwanda s’urbanise bien plus rapidement que ne l’estiment les chiffres officiels dont les indicateurs sont désormais dépassés.
  • Ce nouveau phénomène semble avoir eu un effet positif sur les transformations structurelles et contribué au relèvement du taux moyen national du PIB par habitant.
  • Il a également permis de créer des emplois non agricoles, surtout dans les zones les plus densément peuplées et mieux desservies en termes de transports et d’accès aux marchés.

KIGALI, le 11 janvier 2018‒ « Je suis arrivé à Kigali il y a environ cinq ans, pour trouver un travail et de nouvelles opportunités », explique Hassan Mudenge, jeune homme de 35 ans aujourd’hui aide-manœuvre sur des chantiers de construction. « Je peux maintenant dire que j’ai une situation financière stable. Je paie mon loyer tous les mois et j’envoie régulièrement de l’argent à mes parents pour les aider. J’arrive aussi à faire des économies pour construire une maison au village ».

L’histoire d’Hassan Mudenge est aussi celle de nombreux autres jeunes rwandais qui quittent leur monde rural pour aller chercher un emploi dans des villes qui se développent rapidement, en particulier Kigali la capitale et ses environs.

La croissance urbaine est un objectif clairement affiché par le Rwanda qui entend devenir un pays émergent d’ici 2020. Sa stratégie d’urbanisation est soutenue par la Banque mondiale qui finance à hauteur de 95 millions de dollars un projet de développement urbain visant à fournir des infrastructures et des services de base à la conurbation de Kigali et a six villes secondaires du pays : Muhanga (anciennement appelée Gitarama), Rubavu (Gisenyi), Nyagatare, Huye (Butare), Rusizi (Cyangugu) et Musanze (Ruhengeri).  

La nouvelle édition des Cahiers économiques du Rwanda intitulée Rethinking Urbanization in Rwanda: From Demographic Transition to Economic Transformation aborde en particulier le thème de l’urbanisation rapide du pays.

Le rapport constate que la population urbaine au Rwanda (actuellement près de 12 millions d’habitants) a augmenté plus rapidement que les estimations officielles dont les indicateurs sont dépassés. Le recensement démographique de 2012 et une enquête auprès des ménages menée en 2014 estiment respectivement que la population urbaine représente 16,5 % et 17,3 % de la population totale.

Or, les auteurs du rapport qui ont utilisé un indicateur d’urbanisation différent, constatent un niveau d’urbanisation bien plus élevé, qui serait passé de 15,8 % à 26,5 % entre 2002 et 2015, soit une augmentation de 132 %, équivalente à près de deux millions de personnes.

De fait, la transformation urbaine souhaitée par le Rwanda a déjà eu lieu.

Urbanisation et emplois

Malgré cette expansion rapide des villes, on observe un double mécanisme de migration entre les villes et les campagnes. D’une part, les villes densément peuplées, telles que Kigali, ont attiré de nombreuses personnes à la recherche d’un emploi entre 2011 et 2014 (39 % des migrants). D’autre part, de nombreuses personnes ont quitté les grandes villes pour acquérir des parcelles de terre en province. Ce deuxième phénomène est particulièrement important dans la province de l’est du Rwanda, peu densément peuplée.

En dehors de Kigali, la région de Rubavu (Gisenyi), à la frontière avec la République démocratique du Congo (RDC), attire le plus gros des migrants internes du fait de sa situation géographique. Elle se situe en effet le long de l’axe de transport très fréquenté qui relie la RDC à l’Ouganda juste au nord de Musanze.

Le rapport indique que l’emploi non agricole est lié à l’évolution de la densité de la population urbaine, en particulier dans la grande région de Kigali et dans six villes secondaires. On observe en effet une augmentation du taux d'emplois non agricoles lorsque la densité croît de 10 % dans un rayon de 20 km à Kigali et de 5 km dans les villes secondaires.

De même, la densité de la population urbaine a des effets positifs sur la réduction de la pauvreté : dans un rayon de 5 km autour d’une ville secondaire rwandaise, une hausse de 10 % de la densité entraîne une baisse de 6 % du taux de pauvreté moyen.

Capitaliser sur le changement démographique

Au moment où le Rwanda élabore sa stratégie économique à long terme pour se hisser au rang de pays à revenu élevé à l’horizon 2050, comment peut-il tirer pleinement parti de cette urbanisation ?

Selon le rapport, l’État devrait mettre en œuvre des politiques publiques efficaces susceptibles de créer un environnement propice aux investissements, au lieu de décider lui-même du lieu où ces investissements doivent être réalisés. Les villes pourraient être gérées comme un « portefeuille » distinct dans lequel Kigali recevrait un appui spécial en tant que principal centre économique, et les autres villes du pays exerceraient d’autres fonctions dans le paysage économique national.

Il est aussi fondamental de développer le tissu économique, notamment en reliant certaines périphéries urbaines aux zones zones rurales voisines dont le potentiel reste inexploité. Jusqu’à présent, l’expansion urbaine au Rwanda a suivi un schéma de peuplement à faible densité.

« Nous devons agir sur les facteurs qui attirent la population vers les villes pour réaliser le modèle d’urbanisation visé et transformer nos villes », souligne James Musoni, ministre des Infrastructures du Rwanda. « Nous devons être en mesure d’identifier de nouveaux sites d’habitation et trouver les financements nécessaires pour les construire ».

Si, comme l’indique le rapport, l’amélioration des processus d’aménagement urbain permettrait de faire face à l’expansion rapide de Kigali, il faudrait, dans les autres villes, concentrer les investissements sur l’amélioration des services de base.

« L’urbanisation entraîne certes une transition démographique, mais elle facilite aussi la transformation socioéconomique, ce qui est plus important », souligne Narae Choi, spécialiste en développement urbain à la Banque mondiale.  « Il est temps de repenser la stratégie d’urbanisation pour en faire un levier de croissance économique et d’amélioration de la qualité de vie ».